Il y a huit ans, Telltale réalisait un tour de force en transformant avec brio un shooter/looter en un jeu d’aventure narratif qui lui avait permis de dépoussiérer une formule que l’on pensait arriver à péremption.
Tales from the Borderlands était si puissant qu’il s'est inscrit dans la trame principale de l’univers en faisant le pont entre Borderlands 2 et le troisième opus. Après moult réclamations des fans, le spin-off est de retour non pas pour une saison 2 mais une toute nouvelle histoire. Exit Telltale, Gearbox Québec reprend les rênes pour New Tales from the Borderlands. Une suite spirituelle enrichie d’un casting déjanté comme on aime, mais qui ne parvient clairement pas à rivaliser avec son modèle.
Un casting d'imbéciles attachants
Direction Prométhée. Un an après les événements de Borderlands 3, les stigmates de la guerre se font ressentir partout dans la ville. Ses habitants tentent de survivre dans la misère comme ils peuvent. Fran, gérante batifoleuse et colérique d’un magasin de yaourt glacé explosé par un rayon laser de Maliwan, tente de sauver son commerce. Octavio, voleur de bas étage et entrepreneur autoproclamé, cherche à tout prix à percer avec son propre bizz. Plus terre à terre, sa grande sœur Anu a quitté sa ville natale pour rejoindre les rangs d’Atlas. Sous la tutelle de Rhys, protagoniste de Tales From the Borderlands, la scientifique idéaliste caresse le doux rêve de mettre fin à la violence et de créer des « appareils » capables d’aider l’humanité. Une belle brochette de losers qui va se retrouver à devoir sauver le monde face à une invasion planétaire, un monstre de l'Arche et une capitaliste avide de pouvoir. Pour ne pas gâcher l’expérience, on se gardera bien d’en dévoiler les tenants et les aboutissants du scénario, qui promet son lot de personnages frappés et des moments complètement loufoques, sans jamais atteindre l’anthologie comme l’opus original.
New Tales from the Borderlands reprend évidemment tout l'humour pétillant de la franchise avec un flot de vannes en demi-teinte. Dès son épisode d’introduction, le jeu essaie désespérément d’être drôle sans y parvenir. Mais une fois son casting confortablement installé et le scénario enclenché, la mayonnaise finit par prendre avec des blagues qui décrochent au minimum un sourire, au mieux un rire à gorge déployée, bien que le soft ne parvient jamais à être aussi hilarant que son modèle. Délirant juste comme il faut, le titre a pour lui une incroyable pêche qui se traduit par une mise en scène ingénieuse qui ne lésine pas sur les situations rocambolesques nappées de dialogues aussi stupides qu’efficaces. Dans ses meilleurs moments, Gearbox parvient à créer la surprise avec des situations variées et des interactions aussi inattendues que très référencées.
New Tales from the Borderlands et son casting d'imbéciles hyper-attachants sont d’ailleurs portés par un son joli bon en avant technique et visuel. Textures et modèles en 3D améliorés, cel-shading plus affiné et moins prononcé, vraie synchro labiale et animations faciales comme corporelles dignes de ce nom : la mise en scène de ce nouveau spin-off est plus dynamique et moderne qu’à l’accoutumée. Toutes les folies sont permises, des cinématiques tapageuses aux expressions faciales qui viennent forcer le trait d’une situation au bon moment, tout en donnant corps au trio et leurs personnalités colorées. Le jeu d’acteur n’est pas en reste, aussi bien en version originale qu’en VF. A contrario, ça a également pour effet de rendre les personnages insupportables encore plus irritants et Octavio aura vite fait de vous taper sur les nerfs. Fort heureusement les interlocuteurs secondaires hauts en couleur viennent relever le niveau, avec une mention spéciale à L0U13, le robot-assassin aussi drôle que classe qui vient voler la vedette.
Des bonnes idées jamais concrétisées
Si Telltale n’est plus aux commandes, sa patte est partout. New Tales from the Borderlands amène toujours le joueur à faire des choix, aussi bien dans les dialogues que dans le déroulé des événements, avec à la clé la promesse vieille comme le monde d’impacts scénaristiques sur le long terme. Par exemple, opter pour l’approche proposée par un personnage plutôt qu’un autre ouvre la voie à des situations différentes, mais qui amèneront toujours vers le même dénouement. On connaît la formule par cœur depuis le temps et Gearbox n’avait clairement pas vocation à la réinventer mais à l’adapter à sa façon. Le studio québécois mise davantage sur des conséquences plus organiques liées à la cohésion de l’équipe, évaluée sur l’échelle de skateboards allant de un à on ne sait combien. Cherchez pas à comprendre, c’est Borderlands et les notations avec des étoiles c’est has-been.
Le manque de coordination pourra amener des embranchements différents mais insignifiants, qui n’auront de véritables conséquences que lors de la scène finale. L’idée n’aurait pas été mauvaise si l’exécution n’avait pas été si bancale et insignifiante pendant la majorité de l'aventure. New Tales from the Borderlands se tire également une balle dans le pied en incitant ouvertement le joueur à choisir les dialogues plus censés, ceux qui raffermissent les liens, plutôt que les réponses surréalistes, celles qui cachent les dialogues complètement barrés qui avaient fait tout le sel de son prédécesseur. Le matraquage de messages dans le coin de l’écran avertissant du manque de cohésion de l’équipe incite clairement à prendre une route plus conventionnelle au risque de nous faire passer à côté de ce qui fait réellement le charme du jeu : son humour. Or c’est sur ce point que Gearbox mise clairement.
Cette volonté de vouloir amener le joueur dans une direction donnée enlève également tout l'intérêt aux QTE. Plus variés que d’autres productions du genre, ils n’apportent finalement pas grand-chose tant ils n’ont pas de conséquences. Vous en loupez un ? Pas de soucis vous pouvez rectifier le tir. Vous n’y arrivez toujours pas ? Les personnages trouvent toujours une parade. Même les QTE mortels n’ont aucune incidence sur le déroulé du jeu, puisqu’il vous fait recommencer la scène jusqu’à ce que vous arriviez. Le manque de conséquences directes et de véritables embranchements empêchent de s’investir pleinement dans l’histoire de ce trio pourtant bien écrit, sauf Octavio, on insiste. Couplez le tout à des phases d’exploration qui se comptent sur le bout des doigts, un rythme en dent de scie, deux épisodes finaux (sur cinq) presque soporifiques et de très grosses longueurs et vous obtenez un jeu en mal d’interactivité et de rejouabilité. Quelques séquences bien pensées et amenées judicieusement viennent relever le tout, mais elles sont tellement rares et tellement espacées qu’elles ne sauvent pas le joueur de l’ennui.
Finalement, la plupart des bonnes idées de New Tales from the Borderlands se transforment en occasions manquées à l’instar de son mini-jeu des ArchiiBôs mis en avant à plusieurs reprises dans le scénario. Ces figurines à collecter tout au long des cinq épisodes permettent de prendre part à des combats malheureusement trop simplistes qui se terminent en l’espace de quelques secondes en martelant le bouton d’attaque et les esquives. Une fonctionnalité amusante les premières fois, qui aurait mérité à être plus développée en exploitant réellement les statistiques des personnages immortalisés et en y incorporant de vraies mécaniques de jeu. En l’état, ça laisse un goût de potentiel gâché, comme tout le reste du jeu.